Patrick BORGHETTI, GALTIER VALUATION, Directeur développement clientèle institutionnelle – Expert en évaluation immobilière – MRICS RV – REV BY TEGOVA/IFEI – Expert judiciaire près la cour d’Appel d’Orléans
Avec une collecte avoisinant les 2 Mds€ à fin 2021 et un décuplement des volumes investis depuis 2015, le crowdfunding immobilier s’inscrit dans le compartiment du financement participatif et s’est désormais solidement installé dans le paysage de l’investissement financier. Parmi les secteurs éligibles à ce nouveau circuit, le poids de l’immobilier continue sa progression avec désormais plus de 60 % des volumes financés.
1 – Les investisseurs et le crowdfunding immobilier
Avec des taux de rendement brut oscillant entre 7 et 10 % voire plus, des tickets d’entrée relativement modiques et une durée de détention, somme toute limitée (un ou deux ans), l’investissement présente de nombreux atouts de séduction pour un particulier. Toutefois, comme on le sait, risque fort et rentabilité élevée sont couplés. La nature des opérations financées (souvent d’envergure modeste : constructions de petits collectifs de quelques logements, achat d’un terrain pour réalisation de lots à bâtir, voire achat de locaux commerciaux vacants puis mise en location pour revente) conjuguée au vent porteur des marchés immobiliers ces 7 dernières années, attire parfois des néo-professionnels, voire des acteurs au track-record encore peu avéré. De fait, l’expert immobilier est de plus en plus souvent sollicité par le crowdlender (le prêteur immobilier). Il constitue l’auxiliaire nécessaire de sa politique « Risques et Engagements » afin de démêler le vrai du faux ou en tout cas modérer objectivement les attentes des opérateurs quant à des prix de sortie parfois surestimés.
2 – Le bénéfice d’une expertise immobilière pour le prêteur
Force est de constater que le crowdfunding a rebattu les cartes du financement court terme utilisé par les professionnels de l’immobilier. A l’image du banquier « traditionnel » confronté à l’analyse d’un financement immobilier, le prêteur examinera en priorité les caractéristiques essentielles du bien : la situation, bien sûr, l’état du bâti, le revenu locatif si le bien est loué (ou susceptible de l’être), mais scrutera aussi le marché immobilier dans lequel s’inscrit l’opération concernée : tonicité ou atonie, échelle des prix pratiqués, tendance observée sur quelques mois voire plus, attentes des acquéreurs… Parmi les opérations soumises à l’examen des experts immobiliers, citons l’acquisition de logements ou de villas sur la Côte d’Azur ou en Normandie souvent objet de travaux de remise en état et destinés à la revente, mais aussi de petits immeubles revendus à la découpe en Ile-de-France ou en périphérie lyonnaise. Les achats de maisons construites en péricentre de métropoles régionales et implantées sur des parcellaires de bonne superficie rencontrent également un grand succès, avec à la clé une découpe en plusieurs lots (le bâti existant complété par la revente de deux ou trois parcelles de terrain).
3 – Face au crowdfunding, le proche avenir de l’expertise immobilière
Dans un contexte de marché des plus hésitants, particulièrement sujet à interrogations multiples depuis quelques mois, et donc propice à la sécurisation des encours et aux exigences accrues, l’expertise immobilière constitue un point d’appui essentiel de l’analyse d’un dossier de financement. A ce titre, les experts examinent, d’ores et déjà, la valeur en l’état et après travaux du bien à financer mais recherchent également la valeur liquidative à 6 et 12 mois afin de mieux appréhender les contours et soubresauts de marchés aujourd’hui moins sereins. Particulièrement vigilantes, les sociétés de crowdfunding appliquent en outre des coefficients prudents de « loan to value » à la valeur mentionnée dans le rapport. Enfin, le format synthétique attendu par les financeurs permet à l’Expert d’accomplir sa mission avec diligence.